Le passage du malin

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Le Malin n’est pas né d’hier et il sait s’y prendre avec nous autres, les hommes infatués et maîtres de leur destin. Joseph de Maistre voyait à juste titre l’œuvre du démon dans le cataclysme de la révolution française qui fut essentiellement la mise à mort de Dieu et de tout ce qui pouvait Le servir sur cette terre. Nous avons hérité de ce crime et nous l’avons abondamment exporté sur toute la surface de la terre au nom de la liberté des peuples. Un jour — et celui-ci approche —, il faudra bien passer à la caisse et payer les pots cassés. L’addition sera lourde et il ne sera plus temps de se lamenter car les grincements de dents, terrifiants, résonneront pour l’éternité. Philippe Muray montra admirablement, dans son Dix-neuvième siècle à travers les âges, comment le siècle du romantisme fut d’abord celui du spiritisme, de l’occultisme enfantant le socialisme, qui défigurera le siècle suivant et pèse de tout son poids sur le monde actuel sous des formes parasitaires. Ce n’est pas par hasard si Victor Hugo est honoré par la république comme le plus grands des poètes, lui qui flirta de si près avec les puissances de l’Enfer, tête de liste dune foule d’artistes couronnés des mêmes lauriers à odeur de soufre.

Georges Bernanos comprit de façon fulgurante que son époque était le fruit de cette horrible germination satanique en soulignant cette dilatation dans la vie intérieure de ce que le monde présent prétend ignorer en s’en moquant. Les hommes ricanent  à l’évocation de Satan alors qu’ils l’adorent tout en l’ayant refoulé dans les coins obscurs de leur âme ainsi toute empoisonnée. Le diable ne s’en offusque point car il a accompli son œuvre, le genre humain ayant enfin réalisé son unité contre Dieu. Le spirituel n’a jamais eu autant de succès, toujours sous les formes des fausses religions, des hérésies, de la distorsion de l’unique vérité. La montée fulgurante de l’islam n’est qu’une page parmi d’autres de la victoire des légions souterraines, cette religion n’étant qu’un instrument parmi d’autres entre les mains de celui qui s’oppose au vrai Dieu, celui de l’Incarnation.

Elias Canetti, dans son ouvrage de 1960 Masse et puissance, analyse brièvement et parfaitement ce que représente la masse musulmane, masse qui est son fondement même puisque cette religion ne vit que par et pour le rassemblement : celui de la prière quotidienne et surtout celle du vendredi qui regroupe la masse dans les mosquées (et dans les rues de notre pays) ; celui de la guerre sainte contre les incroyants ; celui de la Mecque pour le grand pèlerinage ; et celui du Jugement dernier. Les temps de paix y sont prescrits, mais très rares. Le reste du temps, la guerre sainte reprend le dessus. Canetti écrit :

« Mahomet est le prophète de la lutte et de la guerre… Ce qu’il a commencé à faire dans son milieu arabe, c’est le testament qu’il laisse ensuite à l’avenir de sa communauté : guerre aux infidèles, extension non pas tellement de la foi que de sa sphère d’influence, qui est la sphère même de la puissance d’Allah. Ce qui compte pour les guerriers de l’Islam n’est pas tellement la conversion que la soumission des incroyants. »

Une religion qui ne cherche pas d’abord à annoncer son message aux autres hommes, mais qui se soucie plus de les asservir, est typique de la méthode démoniaque. Ainsi Satan règne-t-il.

Cependant, ces cavaliers du désert qui se croient apocalyptiques ne sont que les jouets, comme leurs victimes et leur gibier, d’une identique fourberie luciférienne. La situation actuelle, cette hystérie sanitaire mondiale, brasse tous les peuples dans la même nasse et les fous du faux Dieu sont pris au piège comme les autres. Retournons à Muray, en 1992. Il se serait régalé aujourd’hui, fulminant. Contemplant le souci médical contemporain, il écrivait à propos de la Terre transformée en hôpital :

« L’endoscopie et le scanner s’y dressent sur les ruines dispersées des idéologies, et notre avenir radieux a la gueule de ces rues où on ne trouve plus que des labos d’analyses tous les dix mètres, entre des banques et des boutiques de sape qui ont balayé quincailleries, tabacs, librairies et autres commerces utiles. Jules Romains avait vu venir le phénomène dans Knock ou le Triomphe de la médecine (1923 !) ; mais il est maintenant là, massif, le phénomène, et définitif. La vieille dialectique de fond du maître et de l’esclave est remplacée par celle du médecin et de son patient, et il n’y manque même pas le retournement de situation prévu : l’asservissement final du maître par l’esclave, en l’occurrence le terrorisme exercé sur le médecin par le patient mécontent et toujours prêt à le traîner devant les tribunaux dès le premier soupçon de bavure. Le jour où les Martiens arriveront, ils nous trouveront tous couchés, sous perfusion, thermomètre dans le cul, en train de regarde « Santé à la Une », urinal à portée de main et code pénal sur la table de chevet. Ils en rigoleront cinq minutes. »

Pour l’instant, ce ne sont pas les Martiens qui ont débarqué mais toute l’armée des anges rebelles mobilisant ceux qui ont pour mission de nous manipuler, de nous décérébrer. Nul besoin pour le Malin d’affirmer son existence par des manifestations extraordinaires, des possessions épouvantables. Il lui suffit d’avancer calmement ses pions sur un territoire où sa réalité est niée mais dont il est le maître absolu, pour l’instant. Il est même capable de faire passer une vessie pour une lanterne, et un virus banal pour une peste invincible. Il crée la peur et la dépendance, inocule de nouveaux réflexes et des habitudes de troupeau. Il pousse ce cheptel vers le haut de la falaise pour mieux nous précipiter dans la gueule de son royaume de mort.

Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe, se souvenant des crimes de la révolution, écrit ces lignes :

« Il m’a semblé […] voir dans les cachots de l’aristocratie ce que les chrétiens virent quand on brisa les idoles, des nichées de souris s’échappant de la tête des dieux. C’est ce qui arrive à tout pouvoir éventré et exposé à la lumière ; il en sort la vermine que l’on avait adorée. »

Lorsqu’une société sonne creux, cela ne signifie pas qu’elle est vide mais qu’elle a été remplie d’ordures par le prince des ténèbres. Le jour où ce cadavre gonflé finit par éclater, la puanteur réjouit le Malin. Ne sommes-nous pas dans cet état de carcasse en décomposition ? Tous les masques du monde ne nous protégeront point contre sa pestilence.

Envoyé aux marges du monde par des siècles de foi et de vie sacramentelle, le démon a été réhabilité, volontairement, par les ennemis de Dieu. Hugo et les autres l’ont regardé comme neutre et pouvant les servir, promesse d’en finir avec le Mal. Ce fut le mythe de la puissance de l’homme et du progrès conduisant au bonheur. Le Malin, bon bougre, s’est laissé faire, tout en riant sous cape, et puis, il a dégainé, sous roche. René Girard, dans Je vois Satan tomber comme l’éclair, a montré comment nous nous identifions désormais à Satan tout en affirmant qu’il n’existe pas et que son écroulement est dû à notre pouvoir, orgueil proprement satanique. En proclamant cela, nous ne nous rendons pas compte que nous devenons égaux à zéro. Le diable rafle la mise puisqu’il ne tend qu’à notre néant.

Paul Claudel, méditant sur la Création du monde en six jours, note que le chiffre diabolique est 666, c’est-à-dire une fausse répétition du geste créateur qui ne mène à rien, une multiplication qui a la prétention de créer mais qui ne peut le faire. Le Malin n’est qu’un faussaire et un imitateur ratés. Il ne fabrique pas à la chaîne des sacs Vuitton et des chaussures Louboutin copiés en Asie. Il marque de son signe les âmes égarées qui, sûres d’elles-mêmes, sont persuadées d’être par leurs seules volonté et intelligence. Il est de toutes les équipées et Claudel le montre encore comme un mandrille dans le térébinthe de Samarie ou dans la gouttière du Temple de Jérusalem, ou encore à califourchon sur les épaules de Judas.

Chassons l’intrus mauvais. Cela ne sera possible que si nous déposons le masque, tous les masques.

P. Jean-François Thomas, s.j.

S. Jean Eudes, Octave de l’Assomption,
19 août 2020.