Pédophilie dans l’Église : le pape dénonce la main de « Satan »

Prenez le temps de réfléchir et méditez cette reflexion du pape:

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Pédophilie dans l’Église : le pape dénonce la main de « Satan »

Dans un discours sur les abus sexuels perpétrés sur les mineurs, le pape François a dressé un parallèle avec les « rites païens » de sacrifices humains.

Source AFP Publié le 24/02/2019 à 13:08 | Le Point.fr

190 personnes ont participe a ce sommet aux cotes du pape Francois.
190 personnes ont participé à ce sommet aux côtés du pape François. © VINCENZO PINTO / POOL / AFP

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L’Église catholique face à ses démons. À l’occasion d’un sommet consacré au sujet des agressions sexuelles perpétrées sur des mineurs, le pape François a dressé une comparaison avec le « sacrifice » d’enfants des « rites païens ». « Aucun abus ne doit jamais être couvert [comme ce fut le cas par le passé] et sous-évalué », a-t-il déclaré en clôturant quatre jours d’un rendez-vous inédit de l’Église sur ce sujet qui mine la crédibilité de l’institution. « Cela me rappelle la pratique religieuse cruelle, répandue par le passé dans certaines cultures, qui consistait à offrir des êtres humains – spécialement des enfants – en sacrifice dans les rites païens », a déclaré le pape.

Le souverain pontife argentin a aussi beaucoup insisté sur les dérives de certains membres du clergé « devenant un instrument de Satan ». « Dans les abus, nous voyons la main du mal qui n’épargne même pas l’innocence des enfants », a-t-il martelé. Pour lui, il est temps d’écouter « l’écho du cri silencieux des petits » qui se sont retrouvés devant « des bourreaux » aux « cœurs anesthésiés par l’hypocrisie et le pouvoir ». « Il s’agit de crimes abominables qui doivent disparaître de la face de la terre. » Beaucoup de victimes cachées dans les familles et dans divers milieux de nos sociétés le demandent », a-t-il en outre conclu dans son discours.

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Des mesures limitées

Sur un plan concret, le chef de l’Église catholique s’est limité à demander un renforcement des consignes que les conférences épiscopales mondiales sont appelées à mettre en place. « On n’est pas surpris, mais on n’est déçus », a commenté le Suisse Jean-Marie Fürbringer, présent sur la place Saint-Pierre. « Honnêtement, c’est un blabla pastoral, la faute du diable. Ils noient le poisson, ça permet de ne pas aborder directement les problèmes de l’Église », a-t-il assené.

De fait, le pape a consacré un très long développement aux statistiques disponibles sur les abus sexuels perpétrés dans le monde dans toutes les sphères de la société, notamment dans les familles, les écoles et les milieux sportifs. « Nous sommes, donc, devant un problème universel et transversal qui, malheureusement, existe presque partout », a-t-il insisté. Le pape a promis de « donner des directives uniformes pour l’Église », mais sans se soumettre à « la pression médiatique », évoquant avant tout des normes déjà en vigueur au niveau international et au niveau ecclésiastique.

« Au-dessus de toutes les polémiques idéologiques »

Le souverain pontife, qui avait rendu ces derniers temps des hommages appuyés à la presse d’investigation qui a révélé de nombreux scandales concernant des prêtres, a mis en garde contre ceux qui seraient malveillants. L’Église « doit se mettre au-dessus de toutes les polémiques idéologiques et des politiques journalistiques qui instrumentalisent souvent, pour des intérêts divers, même les drames vécus par les petits », a-t-il estimé.

Durant quatre jours, le pape a voulu faire comprendre aux 190 participants de tous les continents leur « responsabilité » individuelle et collégiale face aux scandales, et prendre aussi par le bras des épiscopats d’Asie et d’Afrique affirmant, y compris cette semaine, se sentir peu concernés. Dimanche matin, tous étaient d’abord réunis pour une messe dans la majestueuse salle royale du Palais apostolique, là où ils avaient écouté samedi dans un silence glacé un jeune Chilien expliquant que subir des abus sexuels « est l’humiliation la plus grande qu’un être humain subit ».

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De multiples affaires à travers la planète

« En écoutant les survivants, nous avons entendu le Christ crier dans les ténèbres », a déclaré Mgr Mark Coleridge, le président de la conférence épiscopale d’Australie, secouée par d’énormes scandales, chargé du sermon de cette messe. « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour être sûrs que les horreurs du passé ne se répètent pas », a-t-il promis au nom de ses pairs. « Nous nous assurerons que ceux qui ont agressé ne soient plus jamais en mesure d’offenser à nouveau. Nous demanderons des comptes à ceux qui ont dissimulé des abus », a souligné l’archevêque de Brisbane.

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Déjà minée par de nombreuses affaires d’abus dissimulés, la crédibilité de l’Église catholique a été sévèrement entachée en 2018 par de nouveaux scandales de grande ampleur, au Chili, aux États-Unis ou encore en Allemagne. Aux présidents de 114 conférences épiscopales, chefs des églises catholiques orientales et supérieurs de congrégations religieuses, le pape avait réclamé « du concret » dès le lancement des débats jeudi, en distribuant une feuille de route en 21 points.

Un plan d’action après le sommet

Les organisateurs n’ont cessé de répéter que des plans d’action, voire des changements législatifs, seront mis en chantier dès la fin du sommet. Un « vade-mecum » spécifiant les démarches à entreprendre si un cas d’agression sexuelle émerge est déjà en cours de rédaction pour les pays manquant d’experts.

Trois membres de la Curie ont évoqué la possible levée du « secret pontifical » pour des cas avérés d’abus sexuels du clergé. Ils veulent de la transparence sur les procédures judiciaires de l’Église, qui entendent les victimes comme témoins puis ne les informent jamais de l’état d’avancement du dossier.

Suite :

https://www.lemonde.fr/international/article/2019/02/24/pedophilie-le-pape-compare-les-abus-sexuels-sur-mineurs-au-sacrifice-d-enfants-des-rites-paiens_5427600_3210.html

Pédophilie : le pape déçoit les victimes

En invoquant « Satan » et le « mal », le pape François « n’a pas abordé directement les problèmes de l’Eglise », selon les victimes.

Par Cécile Chambraud Publié le 24 février 2019 à 11h15, mis à jour hier à 14h01

Temps de Lecture 13 min.

Le pape François célébrant la messe dans la salle Regia du Vatican, le 24 février.
Le pape François célébrant la messe dans la salle Regia du Vatican, le 24 février. REUTERS TV / REUTERS

Pour les mesures « concrètes », il faut encore attendre. Le pape François a conclu, dimanche 24 février, une inédite « rencontre sur la protection des mineurs dans l’Eglise » catholique, en cherchant à trouver une « signification » d’ordre théologique aux violences sexuelles sur mineurs au sein de son institution.

Derrière les abus sexuels, « il y a Satan », a-t-il affirmé lors d’un discours de clôture prononcé à l’issue d’une messe célébrée dans la salle Regia du Vatican, devant les 190 participants (présidents de conférences épiscopales, supérieurs d’ordres religieux…) de ce sommet réuni à Rome depuis jeudi. « Nous sommes aujourd’hui face à une manifestation du mal flagrante, agressive, destructrice », a affirmé le pontife argentin.

Les représentants d’associations de victimes de différents pays, qui avaient fait le déplacement à Rome et réclament des décisions et des changements tangibles – renvoi systématique des prêtres fautifs de l’état clérical, révocation des évêques convaincus d’avoir protégé des coupables, publication des archives sur les abus et leur dissimulation… –, ont aussitôt manifesté leur déception.

« Un blabla pastoral »

« Honnêtement, c’est un blabla pastoral, la faute du diable. Ils noient le poisson, ça permet de ne pas aborder directement les problèmes de l’Eglise », a commenté le Suisse Jean-Marie Fürbringer, place Saint-Pierre. « C’est très décevant, a regretté le Britannique Peter Saunders. Il n’y a rien sur la tolérance zéro, l’exclusion définitive de violeurs d’enfants et des agresseurs sexuels employés par l’Eglise ! »

Prometteur dans sa conception et dans le contenu des interventions et des témoignages, le sommet peut laisser sur sa faim dans sa conclusion. A l’ouverture de ce sommet, le pape avait demandé du « concret » aux prélats convoqués pour un séminaire de prise de conscience collective et de lutte contre toute dissimulation des cas d’abus sexuels sur mineurs. Ces mesures concrètes sont encore en chantier.

Au terme de ces trois jours de travail, la conclusion du pape avait un double objectif. Le premier est d’affirmer la détermination de l’Eglise catholique à lutter contre un fléau dont elle est aujourd’hui consciente. « Si, dans l’Eglise, on détecte même un seul cas d’abus – qui représente déjà en soi une horreur –, un tel cas sera affronté avec la plus grande gravité », a dit le souverain pontife.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pédophilie dans l’Eglise : au sommet de Rome, une prise de conscience et des pistes concrètes

Le second consistait à insérer cette réalité ecclésiale dans un contexte social global, au risque de sembler relativiser une réalité qui était pourtant l’objet unique de la rencontre.

« Nous sommes devant un problème universel et transversal qui, malheureusement, existe presque partout », a affirmé François en citant plusieurs enquêtes. Selon lui, « la première vérité qui émerge des données disponibles est que ceux quicommettent les abus (…) sont surtout les parentsles prochesles maris d’épouses mineuresles entraîneurs et les éducateurs ». Il a aussi mentionné d’autres fléaux qui frappent les enfants comme le tourisme sexuel, la pornographie, le travail forcé ou l’enrôlement dans des guerres.

Un vade-mecum pour les prêtres

Ce n’est que dans une deuxième partie de son discours que le pape a abordé spécifiquement les violences sexuelles ecclésiales. « Nous devons être clairs : l’universalité de ce fléau, alors que se confirme son ampleur dans nos sociétés, n’atténue pas sa monstruosité à l’intérieur de l’Eglise », a-t-il dit. Au contraire, il « devient encore plus grave et plus scandaleux dans l’Eglise, parce qu’en contradiction avec son autorité morale et sa crédibilité éthique ».

Aussi a-t-il annoncé que l’heure était venue de « donner des directives uniformes pour l’Eglise » qui s’inspireront notamment, a-t-il précisé, des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

De nombreuses victimes d’abus sexuels commis au sein de l’Eglise catholique ont manifesté le dimanche 24 février sur la place Saint-Pierre de Rome.
De nombreuses victimes d’abus sexuels commis au sein de l’Eglise catholique ont manifesté le dimanche 24 février sur la place Saint-Pierre de Rome. ALESSANDRA TARANTINO / AP

Il a répété son engagement formulé en décembre 2018 devant la curie romaine selon lequel l’Eglise fera « tout ce qui est nécessaire afin de livrer à la justice quiconque aura commis de tels délits. L’Eglise ne cherchera jamais à étouffer ou à sous-estimer aucun cas »« Aucun abus ne doit jamais être couvert – comme ce fut le cas par le passé – et sous-évalué », a-t-il insisté.

Il a enfin souligné que « la très grande majorité » des prêtres et des religieux sont « fidèles à leur célibat » et se sentent « déshonorés et discrédités » par « les comportements honteux » des auteurs de violences sexuelles.

Les axes de travail évoqués au cours du sommet doivent encore être concrétisés par l’administration romaine. Les dicastères (ministères) concernés devaient se réunir lundi à cet effet. Le Vatican a annoncé la publication prochaine d’un décret du pape destiné à encadrer la protection des mineurs et des personnes vulnérables au sein même de la curie romaine et de la cité du Vatican, qui apparemment n’est aujourd’hui organisée par aucun texte.

D’ici à deux mois, la Congrégation pour la doctrine de la foi publiera un vade-mecum à destination des évêques pour leur rappeler leurs obligations en la matière. Le pape souhaite aussi la création d’équipes mobiles d’experts compétents pour aider certaines conférences épiscopales et diocèses « sans moyens et sans personnel formé ».