Satanisme et rébellion suicidaire en Norvège

In: https://blogs.mediapart.fr/cedric-lepine/blog/070120/satanisme-et-rebellion-suicidaire-en-norvege

Depuis la fin des années 1980, le suédois Jonas Åkerlund s’est illustré dans la musique en réalisant de nombreux vidéoclips pour Roxette, Madonna, Jamiroquai, Metallica, U2, Christine Aguilera, Pink, Lady Gaga, The Prodigy, Iggy Popo, Robbie Williams, Blondie, Rammstein… Il a également aussi eu l’opportunité de réaliser des longs métrages pour le cinéma et c’est en homme aguerri qu’il passe à la réalisation de Lords of Chaos adapté d’un livre retraçant l’histoire d’un groupe de metal norvégien et les crimes auxquels il a été associé au début des années 1990. Comme il est annoncé au début du film, l’histoire racontée est un mélange entre des faits réels et des éléments qui le sont moins. En revanche, les membres du groupe Mayhem ont bien existé et les personnages portent le nom des véritables protagonistes à l’origine de nombreux actes antichristianiques autour des incendies d’églises et des homicides volontaires.

L’histoire commence sur un mode ludique pour finir sur un développement dramatique violent, d’autant plus glaçant que le drame est issu des événements réels. La description des jeunes du groupe qui se veulent résolument sataniques est traduite par un point de vue proche de celui de Danny Boyle dans Trainspotting (1996). Les situations semblent dérisoires et invraisemblables par leur extrémisme et pourtant il s’agit bien de l’adaptation de faits divers qui laissent pantois. Le mérite de ce choix de mise en scène permet de comprendre la gravité du jusqu’au-boutisme d’individus qui jouent le satanisme en prônant une idéologie qui fait référence au nazisme alors que tout partait de situations ludiques de jeunes qui jouent la révolte pour tenter de trouver leur place dans une société norvégienne enfermée dans un certain puritanisme religieux autour de la mise en scène du pouvoir royal en exercice. Car la politique comme la société norvégiennes ne sont guère indépendantes de la religion chrétienne, le mouvement satanique trouvant alors un écho particulier de rébellion dans ce pays auprès de personnes en quête désespérée de repères identitaires. Pour cette raison, le film réalisé en anglais avec des acteurs nord-américains par un cinéaste amateur de black metal, invite à réfléchir à l’extérieur même de la Norvège sur les contractions de ce pays à travers des cas extrêmes de violences de l’histoire récente. Rien de gratuit dans ce choix de mise en scène même si certaines séquences violentes sont particulièrement éprouvantes.