«Va-t’en Satan!»

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Par Jean-Marie Guénois

Le père Hamel dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, le 11 juin 2016. HO/AFP

Alors qu’une cérémonie en hommage au père Hamel est organisée un an après son assassinat par deux islamistes, ses derniers mots pour chasser son persécuteur relancent la question du Mal dans l’Église. Un sujet plutôt évité ces dernières décennies.

«Va-t’en Satan!» Ce sont les derniers mots du père Hamel pour chasser son persécuteur. Des mots qui ont relancé la question du Mal dans l’Église, de sa perception aujourd’hui, particulièrement dans ce contexte de terrorisme islamiste. Satan reviendrait-il? Ces dernières décennies, l’Église catholique a plutôt évité le sujet. Au point de ne plus nommer celui qu’elle appelle le Prince des ténèbres, fauteur du mal, grand ennemi de Dieu.

Le 2 août 2016, l’archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun, commentait ainsi, en pleine messe d’obsèques, les circonstances de cette mort: «Le Mal est un mystère. Il atteint des sommets de l’horreur qui nous font sortir de l’humain. N’est-ce pas ce que tu as voulu dire, Jacques, par tes derniers mots. Tombé à terre à la suite des premiers coups de couteau, tu essaies de repousser ton assaillant avec tes pieds, et tu dis: “Va-t’en Satan! ; tu répètes: “Va-t’en Satan !»

« Jésus révèle que les êtres humains ne sont pas l’origine du mal. Dieu a créé l’homme et la femme à son image, bons. Le diable essaie de nous diviser »Mgr Lebrun

Puis l’archevêque d’expliquer ce cri en se fondant sur la théologie catholique de la question du Mal: «Tu exprimais alors ta foi en l’homme créé bon, que le diable agrippe. “Jésus guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable”, dit l’Évangile.» Première conclusion du prélat: «Il ne s’agit pas d’excuser les assassins, ceux qui pactisent avec le diable, il s’agit d’affirmer avec Jésus que toute personne humaine peut changer son cœur avec sa grâce» et peut aller «jusqu’à aimer ses ennemis et prier pour ceux qui la persécutent». Et Mgr Lebrun de lancer: «Vous, que la violence diabolique tourmente, vous, que la violence meurtrière démoniaque entraîne à tuer, laissez votre cœur que Dieu a façonné pour l’amour prendre le dessus et priez Dieu de vous libérer de l’emprise du démon!»

« Comme il serait bien que toutes les confessions religieuses disent : “Tuer au nom de Dieu est satanique” »Le pape François, lors d’une messe le 14 septembre 2016

Interrogé par Le Figaro, Mgr Lebrun explique: «Jésus révèle que les êtres humains ne sont pas l’origine du mal. Dieu a créé l’homme et la femme à son image, bons. Le diable essaie de nous diviser, d’abord en nous séparant de l’amour que Dieu met dans nos cœurs. L’homme pactise avec le diable, mais il peut toujours se reprendre. Nous ne pouvons désespérer de personne. Dire que c’est diabolique n’excuse pas les auteurs, mais empêche de condamner définitivement la personne.»

De formation jésuite classique, le pape François n’hésite pas à parler de cette question du Mal, notamment lors de ses homélies quotidiennes. Le 14 septembre 2016, lors d’une messe matinale, le pape François a évoqué la mort du père Hamel en disant que «les chrétiens sont aujourd’hui assassinés, torturés, enfermés, égorgés, parce qu’ils ne renient pas Jésus-Christ». Le Pape a alors dénoncé «la cruauté de cette persécution», qu’il a qualifiée de «satanique». Et a formulé un vœu ardent: «Comme il serait bien que toutes les confessions religieuses disent: “Tuer au nom de Dieu est satanique”.»

La conviction du Souverain Pontife est que «le père Jacques appartient à cette chaîne des martyrs». Il a été «égorgé sur la croix, précisément au moment où il célébrait le sacrifice de la croix du Christ». Cet homme «bon, doux, fraternel, qui cherchait toujours à faire la paix, a été assassiné comme s’il avait été un criminel. Voilà le fil satanique de la persécution». Un acte, a confié François, qui le faisait personnellement «beaucoup réfléchir». Le père Hamel «a accepté son martyre, avec le martyre du Christ, là, à l’autel», a-t-il dit. Mais «au milieu de cette tragédie qu’il a vu venir (…), il n’a pas perdu la lucidité pour accuser, et dire clairement, le nom de l’assassin. Il a dit: “Va-t’en, Satan!”».

Le Pape a alors affirmé: «C’est un exemple de courage (…). Que lui, du Ciel – parce que nous devons le prier, c’est un martyr! Et les martyrs sont des bienheureux, nous devons le prier – nous donne la douceur, la fraternité, la paix et également le courage de dire la vérité: tuer au nom de Dieu est satanique.» Passer la publicité